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MÉNIÈRE E Dr. « Journal du docteur Prosper Ménière publié par son fils »

 

Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1903, in-8 (23 x 14,5 cm), xxiii-466 pp., relié.

 

Reliure demi-maroquin marron, dos à cinq nerfs, titre doré, des rousseurs éparses.

 

Portrait en héliogravure de Prosper Ménière en frontispice.

 

 

[« J'ai toujours pensé que la véritable histoire ne se trouve pas dans les livres... (p. 352). L'histoire vraie est dans les détails intimes que les grands écrivains ne croient pas devoir consigner dans leur pages solennelles » (p. 385).

 

Si l'on partageait l'opinion du Dr Ménière, son journal, collection d'anecdotes recueillies de 1851 à 1861, apparaîtrait comme un précieux recueil historique. Mais on ne saurait le considérer ainsi : d'abord, il paraît trop tard ; l'auteur, pour le former, a beaucoup puisé dans les récits du chancelier Pasquier, qu'il fréquentait, et l'apparition des Mémoires de Pasquier a ôté à bon nombre de ces anecdotes la fraîcheur de la nouveauté. Puis, le Dr Ménière, dans son antipathie pour les « pages solennelles » de ceux qui veulent voir les choses de trop haut, n'a « jamais ouvert un livre sur la Révolution française, sur le Consulat et l'Empire, pas plus que sur les deux Restaurations, sur la monarchie de Juillet et le gouvernement provisoire de 1848 » (p. 352).

 

On s'explique, dès lors, qu'il n'aime pas à voir les choses de trop haut, et il est difficile de voir de moins haut que lui. Aussi ces racontars qu'il recueille soigneusement au salon ou à table, n'ont-ils en général qu'un médiocre intérêt, si l'on excepte quelques renseignements sur les dernières années de Lamartine (p. 64, 71, 356). — Cette ignorance systématique de l'histoire lui fait même accueillir des récits  erronés (p. 347, sur de Maistre;p. 446, sur Talleyrand) l.

 

On trouve pour¬ tant dans ce journal un certain genre d'intérêt : il nous renseigne sur l'état d'esprit d'une bonne partie de la bourgeoisie parisienne pendant les premières années de l'Empire. Le Dr Ménière a horreur de ces « tristes fabricants de révolutions » (p. 12) qui ont occupé la scène en 1848. Il savoure délicieusement le repos, la paix, l'engourdissement public. « C'est là le charme de la situation : on ne sait rien, on ne dit rien. Le quid novi fert Africa perpétuel de 48 est chose inconnue de nos jours... Tout au plus met-on le nez à la fenêtre pour voir passer le siècle, et l'on dort par là-dessus comme des marmottes. Ça me va assez bien ; j'étais las de cette vie au pas redoublé » (p. 35). Le pouvoir absolu peut avoir ses dangers, mais il est pour l'instant en d'excellentes mains (p. 172-173). Et les railleries pleuvent sur les « journalistes et les avocats » -qui regrettent le gouvernement constitutionnel, sur la « manie de nos contemporains » qui osent « parler politique, régenter le gouvernement » (p. 255 et passim).

 

Le Dr M. conserve cependant l'espoir « que le maître nous accordera un peu plus de liberté, mais je le prie de ne pas nous en donner trop, car nous en abusons toujours, surtout à notre détriment » (p. 414). Dans cette foi au droit impérial, à peine quelques notes sceptiques (p. 44). Autant du reste que par le désir du repos et de la sécurité, la bourgeoisie a été prise par ses intérêts. La hausse de la Bourse, les grands travaux publics, font leur impression sur le Dr M. (p. 34). Il n'est pas insensible non plus à l'éclat que les guerres de Crimée et d'Italie ont jeté sur la politique française, et la rentrée à Paris des vainqueurs de 1859 Ie transporte d'enthousiasme (p. 431). Le bourgeois parisien, satisfait dans toutes ses aspirations, nobles ou vulgaires, ne se détachera du régime qu'autant que le régime changera.  

 

Le Dr Ménière nous parle beaucoup des littérateurs, et avec sympathie ; mais, parmi eux, son cœur a choisi les chansonniers ; il a sur Nadaud, des lignes enthousiastes, où il exalte la « gaieté française », et Béranger, d'après lui, possède « le sentiment poétique le plus vif, le plus profond qu'on eût connu dans notre pays depuis cent ans » (p. 314). — Si l'on ajoute que le Dr Ménière, qui n'est pas hostile à la religion, a quelque tendresse de cœur pour les libertés de l'église gallicane (p. 346, p. 361), n'est-il pas permis d'appeler son journal : Journal d'un bourgeois de Paris sous le second Empire ? — Ph. Gonnard.

 

Source :  https://www.persee.fr/doc/rhmc_0996-2743_1902_num_4_7_4231_t1_0485_0000_3]

MÉNIÈRE E Dr. « Journal du docteur Prosper Ménière publié par son fils »

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